L’après cancer du sein c’est comment?
(article publié en 2024)
Je vais mal et j’ose enfin l’exprimer et je ne suis pas la seule. Beaucoup de femmes dans les groupes de support en ligne pour le cancer du sein rapportent le même sentiment de malaise et de n’avoir aucune aide une fois les traitements « terminés ». Le terme est entre guillemets parce que pour certaines ça ne l’est jamais. Je suis dans un groupe en ligne de femmes en Ontario et un autre à l’échelle du Canada et nous sommes beaucoup à vivre cela. Pour les personnes à l’extérieur du pays il faut garder à l’esprit que la santé est une compétence provinciale, nos expériences sont très différentes d’une province à l’autre, et elles peuvent l’être aussi d’une région à l’autre dans la même province.
Ce qui est terminé c’est ce qu’il est aux yeux des autres, après l’opération, ou la radiothérapie, la chimiothérapie ou encore l’hormonothérapie (prescrite sur 5 ans). En ce qui me concerne, il y aura eu seulement une mastectomie unilatérale sans hormonothérapie initialement prescrite par l’oncologiste parce que cela m’apporte seulement 1,1 % de bénéfices versus les nombreux effets secondaires plus ou moins graves.
Et donc après ces traitements nous sommes laissées à nous-mêmes avec généralement des listes longues comme le bras de numéros de téléphone pour chercher de l’aide, du support, des ressources, etc. En décembre dernier avant l’opération, j’avais obtenu des références de la part de la Fédération du cancer d’Ottawa de thérapeutes francophones ayant une expérience avec des patients ayant ou ayant eu le cancer. Comme au Canada il y a une très grosse demande, les délais d’attente peuvent être plus ou moins longs et j’ai mon premier rendez-vous est seulement à la mi-mars. En attendant, j’ai eu quelques séances avec une autre thérapeute francophone, mais le français étant sa troisième ou quatrième langue les nuances et autres subtilités de la langue lui échappait. Et j’ai beaucoup de chances car les deux sans être autistes sont neurodivergentes.
Nous avons donc la possibilité de faire appel à des thérapeutes mais encore faut-il avoir une assurance privée (une mutuelle) pour en couvrir les frais, ou encore en avoir la possibilité, je pense ici aux communautés rurales éloignées, ou aussi avoir accès à Internet pour profiter des séances en ligne, et il est loin d’être fiable partout et coûte bien souvent un bras.
Bref, il y a aussi tout simplement l’impossibilité de faire tout simplement une demande car la personne n’en a pas la force épuisée après les traitements, ou bien pour moi c’est une immense épreuve de devoir passer un coup de téléphone étant autiste, parce qu’évidemment il n’y a qu’un numéro de téléphone. Si le sujet vous intéresse Autisme : passer un appel téléphonique, c’est plus complexe qu’il n’y paraît
Et pourquoi avons-nous besoin d’aide? Parce que l’épreuve du cancer du sein est traumatisante non seulement dans notre corps avec la mastectomie, ou la tumorectomie (seulement une partie du sein est retiré), avec la chimiothérapie, la radiothérapie et leurs effets secondaires sans parler de ceux des hormones. Mais c’est aussi traumatisant psychologiquement, moralement et émotionnellement. Comment faire le deuil de son ou de ses seins? Comment gérer les différents effets secondaires possibles qui peuvent arriver à plus ou moins long terme et qui sont décrits ici : physiothérapie et cancer du sein. Encore une fois, c’est à nous de trouver quelqu’un pour ces possibles effets secondaires, formée dans ce domaine, ce qui est loin d’être évident avec en plus toutes les restrictions mentionnées déjà plus haut. Et comment gérer la peur de la récidive? Comment gérer notre nouvelle image corporelle? etc. Tant de questions qui se posent…
Les réponses que nous obtenons en général sont de : faire du sport, manger mieux, parler à quelqu’un, s’entourer de ses amis et de sa famille, bref que des solutions faciles (sarcasme). Solutions pour lesquelles on n’imagine même pas qu’elles pourraient être inaccessibles pour des raisons aussi diverses, en ce qui me concerne, que les fonctions exécutives, l’autisme, le TDAH, l’absence physique d’amis et de famille sans oublier le fait que de ne pas conduire est un gros handicap dans la ville où j’habite. Mais pour ça tout le monde assume forcément que je conduis…
Comment conclure un tel texte? Parce que c’est loin d’être fini. Je dois encore une fois puiser dans ma résilience en attendant le rendez-vous de la mi-mars tout en gérant du mieux que je peux la fatigue, les douleurs post-opératoires (qui peuvent perdurer pendant 2 ans), mes autres soucis de santé, bref tout en continuant à faire semblant d’aller bien parce que c’est « fini ». Enfin presque, j’ai un rendez-vous de suivi avec l’oncologue fin mars pour parler de ma décision de prendre ou non l’hormonothérapie et d’aborder le sujet des tests génétiques pour évaluer les autres risques de cancer auxquels je pourrais face. Ah, j’ai oublié de vous dire que le cancer est loin d’être rare chez les autistes, un article en anglais sur le sujet https://www.autismparentingmagazine.com/link-between-autism-cancer/